La valeur d’un objet relève souvent plus de l’affect, lié à tout ce qu’il évoque en tant que souvenir et contribue à faire revivre certains moments vécus.
Une théière en terre cuite m’a été offerte à l’occasion de mon anniversaire. Il s’agit d’une terre de Yi Xing, ville chinoise au sud de la province de Jiangsu. Cette terre appelée argile violette à cause de la couleur qu’elle prend à la cuisson est réputée pour son taux de fer et de silicium élevé. Sa forte porosité offre une meilleure oxygénation du thé et permet aux arômes de mieux s’exprimer. Elle conduit moins la chaleur et brûle donc moins les mains et ne se fissure pas en passant du froid au
chaud.
Ce morceau de terre cuite me replonge dans un épisode vécu au cours d’un périple en Chine début novembre 2010.
Une étape du voyage était Xian, l’une des six anciennes capitales de la Chine antique. Certains spécialistes chinois affirment qu’elle était déjà florissante au 3èmemillénaire avant notre ère. La route de la Soie débutait par cette ville, les marchands d’Asie centrale lui léguèrent de nombreuses traces de leurs différentes cultures.
Un séjour à Xian est presque incontournable, car à une trentaine de kilomètres, à Lintong, une armée enterrée de soldats en terre cuite a été découverte en 1974. Cette armée était destinée à accompagner l’empereur Shi Huangdi (221-210 av .J-C) dans l’au-delà. Un total de 7000 fantassins et cavaliers sont répartis dans trois fosses. Les soldats les plus grands dépassent 1m80. Hommes et chevaux ont été façonnés dans une argile jaune d’abord cuite, puis peinte.
Après cette découverte impressionnante, faisons connaissance avec Xian en nous baladant sur ses remparts. Ces imposantes murailles défensives, d’une longueur de 14 km, d’une hauteur de 12 m et d’une épaisseur de 15 à 18 m, sont l’œuvre de l’empereur Hongwu (1368-1398), le fondateur de la dynastie Ming. De là-haut, nous remarquons un quartier qui attire notre attention, rues à échelle plus intimes, échoppes de calligraphies, de matériel à calligraphier (pinceaux, …).
Le lendemain, nous parcourons ce quartier convoité. Nous avions envie d’une pause. Mais à cet endroit, point de bistrots comme en Occident. La soif nous tenaillait, quand Jean-Pierre nous emmène dans une boutique à thé.
Nous prenons place sur des petits tabourets autour d’une table sculptée à partir d’une racine d’arbre, sa forme est donc très organique, sensuelle et accueillante. Si la communication avec les chinois n’est pas toujours aisée, notre hôtesse semblait deviner nos souhaits. Nous assistons à la cérémonie du thé.
La première étape consiste à faire bouillir l’eau, qui est déversée, sur la table pour la réchauffer. La même opération est répétée pour la théière, afin de la mettre à température. A l’aide d’une mini louche, le thé est déposé dans la théière et y est laissé infuser.
Pendant ce temps, de l’eau chaude est déversée dans un grand bol dans lequel sont placées des petites tasses. Ces coupelles sont retournées à trois reprises dans le bol. Les tasses sont à nouveau remplies d’eau et l’eau est déversée sur la table (ou bateau de thé ou claie).
Après seulement, le thé est servi dans les coupelles, après en avoir, comme le vin, humé le parfum. Ensuite, vient le temps de la dégustation.
Le fait de retourner les coupelles trois fois a la signification suivante : une fois pour la terre, une fois pour les esprits, une fois enfin pour le ciel.
Cette méthode de préparation du thé se nomme Gong fu cha.
A propos du thé
Le thé est donc bien un art de vivre. Ce breuvage ancien a déjà fait l’objet d’un ouvrage le «Classique du thé» (Cha Kinf) de Lu Yu, écrit en 780, sous la dynastie des Tang (618-907). Par ce livre, le thé est devenu breuvage spirituel, thème de poèmes et de peintures, sujet de réflexion. Il se consommait dans des échoppes le long du fleuve Bleu. Le thé est la plus ancienne boisson de l’humanité et la plus consommée dans le monde. Son histoire est aussi intimement liée à la santé de l’homme. Il fallait bouillir l’eau avant de la boire pour des raisons hygiéniques. Cette boisson a également des vertus médicinales : stimulants cardiaques, cérébraux, diurétiques, antiseptiques.
En pratique
Une fois ma théière reçue, je me devais d’en tirer le meilleur usage et de respecter certaines règles.
Une théière est utilisée pour une catégorie ou une famille de thé.
Il est préférable de marier la couleur du thé à la couleur de sa théière
Le premier thé est réservé à sa théière : un récipient qui n’a jamais servi absorbera beaucoup la première infusion. On appelle cela le culottage de la théière.
Autre règle, ne jamais utiliser de détergents.
Je me suis donc rendue au palais des thés, où l’on m’a recommandé un thé Wu Long, adapté à ma théière. J’ai mis tous les conseils en pratique et ai dégusté le thé d’une autre façon. Comme dit T’ien Yi-Heng "On boit le thé pour oublier le bruit du monde".